Évaluation du dépérissement de la châtaigneraie du Vallespir dans un contexte de sécheresse

Résumé du projet

Le territoire du Vallespir (Pyrénées-Orientales) connaît une sécheresse intense depuis 2022, ce qui a des conséquences fortes et brutales sur la biodiversité, qu’il s’agisse des espaces naturels comme la forêt, des milieux aquatiques ou des terrains agricoles. Le Vallespir est un territoire couvert à plus de 60% par une vaste forêt composée en majorité d’essences feuillues, essentiellement de châtaignier, de hêtre et de chêne vert. La forêt est un élément important pour la biodiversité locale (habitats spécifiques), pour l’économie (activités de pleine nature, exploitation du bois), pour la lutte contre les risques naturels (incendie), mais aussi pour les services culturels et patrimoniaux (paysages caractéristiques du territoire). Or, la sécheresse a un impact direct sur la santé de la forêt qui a du mal à s’y adapter. Les acteurs et actrices de la forêt locale, réunis autour de la Charte Forestière de Territoire (CFT) du Pays Pyrénées Méditerranée (PPM), constatent le dépérissement de certaines essences, notamment des châtaigniers, essence patrimoniale du territoire dont la fragilisation est particulièrement visible. Localiser et évaluer le dépérissement de la châtaigneraie du Vallespir est donc une volonté partagée qui permet de mieux connaître les effets du changement climatique sur la biodiversité associée à la châtaigneraie locale, d’anticiper et d’adapter la gestion forestière, et de mieux prévenir les incendies.

La châtaigneraie du Vallespir ne fait cependant pas l’objet d’un suivi de son état de santé partagé à l’échelle locale. Les travaux menés par Fanny Malatier, ont ainsi visé à mettre sur pied un outil d’évaluation basé sur la télédétection, spécifique à une utilisation par les actrices et les acteurs locaux de la forêt. Ce stage s’inscrit dans le cadre du défis clé 03T et est financé par la région Occitanie. Il est réalisé dans le cadre de la Charte Forestière de Territoire (CFT) et du projet de recherche européen GRANULAR, et co-encadré par le Centre International des Hautes Etudes Agronomiques Méditerranéennes (CIHEAM) et le Pays Pyrénées Méditerranée (PPM).

C’est à partir d’images satellites de source Copernicus et de données issues de l’Inventaire Forestier de l’Institut Géographique National (IGN), que l’outil de modélisation a été conçu sous le logiciel de système d’information géographique QGIS. Le code mis en place s’appuie sur les travaux réalisés dans le cadre du projet CastelDiag sur les châtaigniers en Dordogne, travaux coordonnés par le Centre National de la Propriété Forestière (CNPF). Le modèle a été entraîné grâce à des données collectées sur quinze placettes réparties sur le territoire du Vallespir. La méthode DEPERIS, reconnue et conçue par le Département de Santé des Forêt (DSF) a été utilisée pour évaluer le niveau de santé des châtaigniers observés sur le terrain.

La châtaigneraie est classée selon des zones faiblement dépérissantes (36% de la surface totale étudiée), moyennement dépérissantes (37%) et fortement dépérissantes (27%). Les zones faiblement et moyennement dépérissantes dans le Haut-Vallespir et dans l’un des premiers bassins de plantation de la châtaigneraie du Vallespir, autour de Saint-Laurent-de-Cerdans. Les zones les plus dépérissantes se trouvent autour de Reynès et au-dessus d’Amélie-les-Bains. La vérification sur le terrain a montré une fiabilité de 75% de ces résultats. Les premiers tests statistiques cherchant à expliquer le niveau de dépérissement au regard de de l’environnement et du contexte du peuplement n’ont pas été concluants.

Les actrices et les acteurs locaux de la forêt, réunis autour de la Charte Forestière de Territoire, ont participé à la mise en place de l’outil de modélisation de l’état de santé de la châtaigneraie. Impliqués dans la définition du besoin, puis dans l’orientation des travaux, ils sont les utilisateurs finaux de cet outil ou de ses résultats. Des entretiens menés avec certaines et certains d’entre eux ont montré un consensus sur la rapidité du dépérissement de la châtaigneraie et une incertitude sur l’impact de cette évolution à long terme notamment en termes de biodiversité. Réunis la journée du 11 septembre 2025, ils ont collectivement discuté de la méthode, des résultats et de l’attitude à adopter face au épérissement de la châtaigneraie, notamment en termes de gestion forestière.

L’outil de modélisation a le mérite de renseigner sur l’état de santé des châtaigniers du Vallespir sur une surface étendue, aujourd’hui peu documentée. Il s’appuie sur une méthode complexe, la télédétection, rendue accessible aux initiés aux Systèmes d’Information Géographiques du territoire, afin d’éclairer leur décision. Une prochaine étape pourrait être l’étude de l’historique de la châtaigneraie, mais aussi des causes du dépérissement. Les partenaires de la Charte Forestière de Territoire souhaitent également expérimenter in situ l’adaptation de la gestion forestière au changement climatique.